Le couple au temps du coronavirus : amour, gloire et rosé !
- VIE D’EXPATS
- Maxence Brechon - Pierlovisi
- 6 avril 2020
- 95
- 16 minutes read
Dire que cette pandémie est dans tous les sujets de conversation est un doux euphémisme. Il suffit de lire n’importe quel article pour se rendre compte que tout est déclinable à base de Covid-19, notamment le sacro-saint sujet : LA VIE DE COUPLE ! En plus d’être devenus des infectiologues patentés – les débats « chloroquine » sont aussi savoureux que ceux durant une élection présidentielle – nous sommes désormais tous diplômés en psychologie. Certains magazines nous encouragent à vivre cette période comme une opportunité pour notre couple tandis que d’autres nous dispensent à coups de bienveillance les « 5 conseils pour vivre au mieux son confinement à deux ». Pas de panique, s’ils ne fonctionnent pas, vous pouvez toujours témoigner dans « couple et confinement la double peine ».
Mais dans la vraie vie, ça donne quoi ? Bienvenue dans la vie imaginaire et trépidante d’une confinée parmi tant d’autres.
De l’importance d’une bonne hygiène de vie
Tous les articles que j’ai pu lire vous diront la même chose. En temps de confinement, il est impératif de mettre en place des routines et de prendre soin de son corps. Il en va de votre bien-être psychologique. Cela a certainement été la première étape de votre plan de lutte en quinze points contre le Covid-19.
Jour 1
Une journée de semaine comme les autres. Maquillage, brushing et robe légère de saison tandis que ma moitié se prépare pour sa première journée de télétravail : chemise, chino et sneakers pour le côté « smart casual ».
Jour 5
Cela fait désormais 4 jours que monsieur a abandonné les sneakers au profit de tongs pour le côté « confort ». Le combo bermuda/chemises se généralise et il évoque déjà la possibilité de passer au polo/crocs pour un « confort renforcé ». Vous tenez bon. Le brushing peut être alterné tous les 2 jours et la mode au maquillage « naturel » s’avère un excellent alibi. Il n’y a pas de quoi s’alarmer !
Jour 9
Ce n’est pas parce qu’il y a désormais un nouvel ado qui déambule torse nu à la maison (il n’active d’ailleurs plus sa caméra lors de ses visioconférences) qu’il faut se laisser abattre. Vous partagez vos craintes sur votre nouveau groupe « Covid et papotes » avant de vous rendre compte que le maquillage n’est plus de rigueur, l’épilation contribue à la destruction des nappes phréatiques et que se laver les cheveux une fois par semaine est un geste féministe fort.
Jour 13
Lors d’une soirée film en famille, l’un des enfants vous demande si Chewbacca est une femme. Vous regardez vos jambes. Vous ignorez la question. Vous vous promettez de ne plus lui servir de petit déjeuner pendant les 15 prochains jours. D’ailleurs au lit, il est tard et demain double ration de home schooling. Maman t’aime (ou pas), bonne nuit. Malgré tout, vous êtes chanceuse car vous n’avez pas sombré dans l’alcoolisme.
Il y a pourtant une Sue Ellen qui sommeille en chacune de nous. Car comme bien souvent, l’engrenage s’avère aussi vicieux que lancinant. Ce petit verre de rosé « bien mérité » que vous vous êtes offert un soir après une journée bien remplie se transforme sournoisement en bouteille de rosé « bien méritée » à partir de 17h.
Les courses « essentielles » se résument bientôt à « n’oublie pas l’apéro et les cacahuètes » et vous vous imaginez déjà passer vos journées en peignoir, le visage bouffi, affalée sur votre chaise longue, à passer vos journées sur Zoom avec les copines (aussi dépravées que vous) tout en vous promettant que « demain, c’est promis j’arrête ». Vous en profitez également pour échanger des bons plans de cours de yoga et pilates sur YouTube. On vous a même fait suivre les promos MMI sur le groupe « Bons plans » qui, pour une fois, n’a jamais porté aussi bien son nom.
Et la vie de couple dans tout ça ?
Côté monsieur, la situation n’est pas beaucoup plus glorieuse même si elle s’avère sans surprise…
Les premières 48 heures de confinement se sont entrecoupées de vœux pieux sportifs (Décathlon l’en remercie), de jus détox imprimés à la chaine (on parle de trouver une cartouche d’imprimante française, à Dubai, en temps de confinement ?) et de l’achat compulsif de livres aussi divers que variés : « la méditation facile », « découvrez le leader qui sommeille en vous », « l’œnologie pour les nuls », etc.
Dès le lendemain, il décidera plutôt d’exercer ses neurones sur Candy Crush, d’entrainer les enfants sur Fifa, de se tourner en ridicule en essayant de filmer sa dernière prestation pour son groupe « PQ challenge » et de pratiquer le gainage à coups de chips. Un vrai bonheur.
Et le reste de la journée ? Avec cette situation de crise et la généralisation du télétravail, avouez qu’il y a tout de même de quoi tenir nos hommes occupés. Alors que vous tentez désespérément d’appliquer tous les préceptes d’éducation positive pendant les heures de home schooling, vous ne pouvez vous empêcher de l’observer du coin de l’œil. Il est assis, le regard concentré, en train de tapoter frénétiquement sur son téléphone. Il semble effectivement accaparé par un sujet de la plus haute importance (un compte rendu pour son n+1 ? Son évaluation de fin d’année ?) … jusqu’au moment où vous l’entendez glousser.
Après un interrogatoire serré, il vous avoue à demi-mot faire partie du groupe « Covid et contrepèteries ». Il vient d’être créé avec une quinzaine d’autres acolytes par le mari de X, alors qu’elle vous plombe constamment le moral avec ses messages à faire pleurer une boîte de Lexomil. Au programme : blagues d’ados boutonneux à base de jeux de mots vaseux, images graveleuses et autres vidéos qu’il n’ose pas vous montrer. Vous partez aux toilettes vous ressaisir, l’une des seules pièces de la maison où vous pouvez compter sur un minimum d’intimité, du moins en théorie. Malgré tout, notre chéri, au fond de lui, est un petit être sensible. Et ce n’est pas parce qu’il alterne ses journées de télétravail en caleçon et ses discussions « entre mecs » sur WhatsApp qu’il ne cogite pas à la tombée de la nuit sur sa condition d’être humain en plein confinement ou sur les répercussions socio-economico-politiques de cette situation.
Problème, plutôt que d’en discuter avec vous à l’apéro (c’est à dire vers 15h) il préfère ouvrir son petit cœur d’artichaut en pleine nuit, en vous susurrant langoureusement à l’oreille un tendre « Tu dors ? Non parce que moi là tu vois j’arrive pas et je me pose plein de questions ».
Sue Ellen cède alors sa place à Joséphine, ange gardien – voire à Mireille Dumas suivant l’intensité pressentie de la crise. Vous vous retrouvez, à 3 heures du matin, assise sur le lit à tenter de lui expliquer qu’il faut relativiser et que tout cela n’est qu’une des 5 étapes du processus d’acceptation de la situation – c’est d’ailleurs Y qui a abordé le sujet ce matin sur « Covid et papotes ».
4:10 : vous lui proposez d’aller prendre un verre de lait
4:12 : il revient dans le lit et vous remercie d’être là pour lui (il ne s’en rend compte que maintenant ???)
4:13 : il ronfle et s’est accaparé les trois quart du lit
4:40 : vous aimeriez bien en faire autant
4:52 : tiens, c’est l’appel à la prière de la mosquée voisine
6:30 : les enfants se lèvent. Ça tombe bien vous êtes déjà debout… la journée va être longue et vous vous êtes jurée de ne pas toucher à ce rosé avant le déjeuner. Pour la peine, il sera prêt à 11 heures !
Mon homme, ce héros.
La critique est facile et le portrait un peu exagéré, je l’avoue. Après tout, la gente masculine présente tout de même quelques avantages non négligeables durant cette crise : servir de bouclier humain par exemple.
Une livraison sur le pas de la porte ? C’est à votre chéri de se dévouer pour la cause. Vous ne manquerez d’ailleurs pas de lui rappeler qu’il a interdiction de toucher quoi que ce soit ou même de respirer avant d’avoir procédé aux gestes barrières « renforcés au parpaing » que vous avez mis en place : double lavage de main avec 2 savons différents, gel hydro alcoolique en guise d’after shave et interdiction de se toucher le visage durant les 2 prochaines heures (sa partie préférée).
C’est l’occasion de vous demander si X n’a finalement pas tort lorsqu’elle suggère dans son dernier prêche post-apocalyptique de mettre en place un sas de décontamination à l’entrée… il doit certainement y avoir un tuto de disponible sur Youtube. A creuser, dès que vous aurez terminé de coudre le masque chirurgical Frozen 2 de la petite dernière.
Mais réceptionner les livraisons n’est qu’une partie de la feuille de mission. Un simple entrainement avant de partir au combat, le vrai, celui des courses au supermarché. Avec l’aide précieuse de Y sur « Covid et papotes », nous avons préparé son équipement dans les moindres détails : un gel hydro alcoolique dans une poche, les serviettes désinfectantes dans l’autre, une réserve de masques en cas de coup dur et un appeau à canard en cas de panique. Ce dernier ne sert strictement à rien mais l’idée qu’il puisse l’utiliser devant la caissière au moment de payer est tout simplement jouissive.
Après une séance de briefing détaillée avec reconnaissance aérienne des rayons chez Carrefour, il est désormais temps pour votre Bruce Willis en pain d’épices de dire au revoir.
Vous êtes sur le pas de la porte, les enfants à vos côtés, mains tendues, la larme à l’œil et vous vous entendez presque leur dire « c’est votre papa, soyez en fiers ».
Il vous fait un signe de la main, claque sa portière et file au soleil levant (ok, il est 11h du matin mais quand même). Des images se bousculent dans votre tête comme la silhouette de Will Smith dans « Je suis une légende » ou le regard déterminé de John Rambo. Vous vous retrouvez finalement avec un Pierre Richard en train de déambuler dans les rayons de Carrefour et inondant votre WhatsApp de photos de paquets de papier toilettes et autres gels douches pour savoir lequel prendre.
Il ne comprend toujours pas la différence entre un papier toilette simple ou triple épaisseur. Des pâtes restent des pâtes, plus gros le paquet mieux c’est (sympa l’offre famille de 15 kgs). Les enfants se contenteront de Chocapic jusqu’à leur majorité et la sauce tomate (pour les pâtes) se décline désormais en jerrican de 20 litres.
Après 4 heures d’efforts intenses, 250 messages textes/vocaux et 12 appels en absence, la mission touche à sa fin. Il descend alors de sa monture la tête haute, le regard fier (plagié à Tom Cruise dans Top Gun), le sentiment du devoir accompli et un coffre rempli à ras le bord… avant de finalement se rendre compte que la liste de course était inscrite au recto ET au verso du post-it…
Alors, oui, le confinement est une période longue et compliquée dont l’issue paraît encore bien lointaine. Prises au piège d’un mauvais remake de « Un jour sans fin » nous faisons au mieux pour en faire ressortir les côtés positifs. A chaque jour suffit sa peine, ce soir vous comptez bien lui vendre une séance massage de pieds devant votre série préférée. Il n’y a pas de petites victoires, savourez les vôtres !
#Staysafe, #stayhome et à bientôt pour de nouvelles aventures post-confinement.