Dubai – Le nouvel eldorado du café d’origine !
- COURSES - CUISINE
- Richad Soundardjee
- 24 avril 2022
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En grains, moulu, en capsules, americano, expresso, latte, flat white et j’en passe… il existe tellement de formes et de façons de préparer – et surtout de déguster – l’une des boissons les plus consommées au monde par l’être humain : le café !
Petite et grande histoire du café
La légende veut qu’au Xe siècle un berger dans les montagnes éthiopiennes remarqua que ses chèvres gambadaient encore plus allègrement après avoir ingurgité un fruit aussi bizarre qu’inconnu de lui.
Ce fruit poussait sur des arbustes et contenait notamment une grosse graine à l’intérieur qui semblait attirer plus particulièrement ses animaux. Il commença alors à en consommer lui-même et constata ce même effet vivifiant et énergisant. Le bouche à oreille fit le reste, et rendit ce nouveau cadeau de la nature rapidement très prisé et consommé quotidiennement au sein de la tribu du jeune berger et bien au-delà.
C’est au début des années 1600, dans la péninsule arabe, au Yemen plus précisément, que l’on retrouve les premières traces de la transformation du grain de café qui, mélangé à de la graisse animale, permettait de fabriquer des barres énergisantes utilisées par les chasseurs. Ne me demandez pas comment ce fruit qui contient le grain magique a voyagé au cours des cinq siècles qui séparent la découverte par notre jeune berger en Ethiopie et les traces de sa consommation au Yemen, la multiplicité des légendes et des versions de l’histoire ne permet pas d’en être sûr.
Toujours est-il qu’une boisson, ou plutôt une décoction, obtenue en faisant chauffer de l’eau et les fameuses graines au-dessus d’un feu de camp, devint rapidement fort consommée dans le monde arabe.
L’histoire nous rapporte, par exemple, que le café devint la boisson de prédilection des adeptes de certaines communautés Sufis qui y trouvèrent une aide de poids pour rester éveillés durant leurs prières mystiques nocturnes.
Le monde arabe devint alors le centre névralgique de l’industrie naissante du café, breuvage qui porta bientôt le nom de « vin arabe » ou de « vin d’Arabie ». C’est au gré des intenses échanges commerciaux du XVII siècle entre l’Est et l’Ouest qu’en 1615 le café arriva du Moyen-Orient en Europe, à Venise plus exactement, où la boisson sombre et amer devint alors rapidement très populaire ! Les Kaveh Kanes du monde arabe eurent alors leurs petites sœurs occidentales, les cafés et autres coffee shops, dont la notoriété fulgurante fut portée par la réputation curative de ce breuvage contre de nombreux maux de l’époque comme la gueule de bois, la variole, les nausées, etc.
Tout ceci nous mène évidemment à la grande histoire du café, devenu phénomène global aujourd’hui.
La Hollande, grande puissance coloniale et commerciale du XVI siècle, réussit à l’importer et faire pousser les premiers plants de café (les bien nommés Coffea Arabica) en Europe. Ce sont ensuite les flux commerciaux intenses entre l’Europe et les Amériques, découvertes par Christophe Colomb, qui entraina le grain de café au Brésil (qui deviendra rapidement le plus grand producteur au monde), avant de revenir à son point de départ (supposé) en Afrique et en Éthiopie notamment. A chacune de ses étapes dans une contrée nouvelle, et au gré des conditions particulières de chaque nouvelle terre de conquête, le grain de café donna naissance à de nouvelles variétés de goûts et d’arômes, qu’ils soient de fruits, de fleurs, d’épices, etc. Ils vinrent enrichir à chaque fois davantage la large palette de saveurs qu’est capable d’offrir le café aujourd’hui.
C’est ainsi que l’on retrace l’histoire mouvementée de la “Bean Belt”, cette bande du globe qui se situe dans la région équatoriale humide entre les deux tropiques, sur des terres qui partagent les caractéristiques idéales pour la bonne pousse du café : températures stables autour de 20 degrés, sols riches, exposition solaire modérée et bonne pluviosité.
Faisons aussi, une bonne fois pour toute, un point sur le fameux match entre Arabica et Robusta !
Ces deux appellations familières à nos oreilles recouvrent des réalités très différentes. Bien qu’il y ait des milliers de plantes qui peuvent théoriquement s’appeler plants de café, seules deux espèces constituent la très grande majorité du café produit dans le monde : Coffea Arabica qui donne le grain d’Arabica et C. Canephora qui donne le grain de Robusta.
Pour la faire courte, l’Arabica représente 70 % du marché, il est moins fort en caféine que le Robusta, il est considéré comme supérieur en goût, plus doux et moins acide. Le Robusta est quant à lui considéré comme moins raffiné, plus facile à produire car ayant des propriétés internes plus aptes à le protéger contre les champignons et autres maladies. Il pousse également plus facilement à basse altitude et à un rendement plus élevé. Donc dans le match de la qualité maximum du grain de café qui caractérise la Third Wave, le score est nettement en faveur de l’Arabica.
Aujourd’hui, les 10 premiers pays de l’Organisation Internationale du Café se situent donc dans cette “Bean Belt” qui traverse l’Amérique du sud, l’Afrique et l’Asie : Brésil, Vietnam, Colombie, Indonésie, Ethiopie, Inde, Mexique, Guatemala, Pérou et Honduras. Le Brésil produit à lui seul un tiers du volume mondial de café.
Pour ceux qui souhaitent briller dans les diners en ville au cours desquels le sujet du café viendrait à être abordé (si si c’est toujours possible à la fin du repas…) ou bien simplement pour faire le bon choix parmi les centaines, voire les milliers de types de cafés qui s’offrent a vous dans le commerce, sachez que cette profusion de choix est la résultante d’une multitude de facteurs qui peuvent influer sur le goût de votre café, depuis la pousse du fruit jusqu’au liquide dans votre tasse : la région ou la parcelle particulière sur laquelle le fruit a été cultivé, le climat qui y a régné avant la cueillette, la méthode utilisée pour extraire le grain de café du fruit, la méthode de transformation du grain, les techniques de lavage / séchage, le temps qu’il a fait pendant cette phase, le processus de torréfaction, les mélanges éventuels de grains torréfiés (“blend” par opposition au “single origin”), puis le type de lait qui est ajouté si vous prenez votre café avec du lait, la façon dont le lait est chauffé, la température du lait et même la façon dont le café et le lait sont mélangés dans la tasse… phew !
Enfin, un chiffre clé sur l’industrie mondiale du café, les échanges mondiaux de café représentaient en valeur en 2020 représentaient autour de 105 Mds USD, avec une prévision de croissance annuelle entre 5 et 7 % sur les cinq prochaines années selon les études, ce qui amènerait ce marché à représenter environ 145 Mds de dollars d’ici à 2025-2026. C’est énorme, même si c’est loin encore de certaines autres commodités alimentaires comme le blé bien sûr.
Une des raisons de cette croissance insolente réside dans l’accessibilité croissante du café à partir des années 60 (First Wave), puis de la montée en gamme et en qualité qui a donné naissance à de vrais business rentables et globaux dont Starbucks est la parfaite illustration (Second Wave). Enfin, la fameuse Third Wave dont on parle depuis le début des années 2000, désigne à la fois la recherche de la plus grande qualité et du plus grand raffinement possible en saveurs (grâce notamment à l’accès à des parcelles de terres de plus en plus confidentielles dans la Bean Belt), la recherche d’un commerce plus équitable, et la sophistication des méthodes de préparation pour adapter cette boisson aux goûts spécifiques de tout un chacun.
Tout ceci a mené à une montée en gamme du café, dont le haut de gamme est devenu un produit de luxe, et pour lequel certains consommateurs sont prêts à payer le prix. C’est donc cette Third Wave qui a donné lieu à cette mode du café d’origine ou du “single origin”, qui désigne la présence dans votre tasse d’un breuvage issu de grains provenant des meilleures régions de la Bean Belt, d’une seule et même parcelle de terre, provenant de la même et unique cueillette, et qui n’ont été mélangés à aucun autre type ou origine de grain.
1. L’émergence récente de Dubai comme nouveau carrefour du café d’origine
La réputation grandissante de Dubai comme hub régional, ou même global, dans bien des domaines n’est plus à faire. Personne ne sera donc surpris d’apprendre que pour ce qui est du café, et notamment du café d’origine, Dubai, carrefour de toutes les cultures, religions et nationalités, est devenue une des destinations les plus actives quand il s’agit de torréfier et de consommer les meilleurs grains de cafés du monde.
C’est sous l’impulsion d’entrepreneurs aux profils très variés, qu’ils soient locaux ou expatriés, que cela s’est produit. Du joueur de football professionnel de l’équipe nationale des UAE à la jeune businesswoman africaine ayant décidé de faire de la meilleure graine de café de son continent d’origine un produit de grande qualité dans votre tasse, il y a aujourd’hui une explosion de l’entrepreneuriat autour du café d’origine à Dubai.
Coffee roasters, specialty coffee ou single origin coffee, des termes qui fleurissent donc à Dubai depuis 5 ans ou un peu plus, et qui désignent une offre devenue déjà pléthorique de bons voire même d’excellents cafés, dont la variété, les goûts, les arômes et même l’art (il suffit de regarder les dessins que les baristas de tout poil sont capables de faire sur le dessus de votre café quand il contient du lait) n’ont plus rien à envier aux autres grandes métropoles du café de la Third Wave que sont Melbourne, Seattle, Vienne, Londres ou New-York.
Par certains côtés Dubai devient même un leader avec l’émergence de modèles intégrés où l’on retrouve sous le même toit, un atelier de torréfaction, la vente en gros et au détail, un coffee shop pour la dégustation, un atelier pour baristas professionnels et amateurs cherchant à perfectionner leur art !
2. Un café noir de puriste ou bien prendrez-vous un nuage de lait ?
Passons maintenant aux choses sérieuses ! Quelle préparation de café idéale pour votre goût ?
Les puristes (certains en tout cas) vous diront que le café ne peut s’apprécier pleinement que quand il est bu noir, sans lait et sans sucre. Respectons cela, même si fort heureusement le lait et le sucre ont trouvé leur chemin dans la tasse des aficionados moins puristes, moins fans d’amertume, mais apprécient tout autant la complexité de goûts et de saveurs que le café peut offrir à nos papilles gustatives !
Mais même un café noir offre une multitude d’options de préparation, et donc de goûts, différents. Ainsi, aux incontournables cafés filtres et expressos qui ont fait la gloire du café au XX siècle, la Third Wave a considérablement enrichi la palette des possibles et des nuances de goûts, avec des noms parfois aussi exotiques que futuristes comme Pour-over, Chemex, V60, Nitro-brew, et j’en passe. Alors quesako ?
Une généralité importante tout d’abord : quelque-soit la méthode utilisée, le café noir que vous aurez dans votre tasse sera le produit d’un mélange d’eau avec certains composants des grains de cafés torréfiés qui ont été moulus auparavant. Jusque-là tout le monde suit ? Ensuite il y a pléthore de possibilités selon le mode et le temps de filtrage du café, la finesse de la moulure, la texture finale du café dans votre tasse, l’intensité que vous souhaitez dans le liquide (la également nous retrouvons des termes connus pour d’autres boissons c’est-à-dire light, medium-bodied, full-bodied, corsé, fruité, etc.) et même selon que vous vouliez boire votre café chaud ou froid.
Passons donc en revu les types de cafés noirs les plus consommés :
Le café filtre :
C’est la bonne vieille méthode que certains qualifient de « jus de chaussette » et qui, malgré cette appellation peu ragoûtante, réunit beaucoup d’adeptes dans le monde entier. C’est la version la plus simple à préparer avec une cafetière électrique : un récipient au-dessus duquel on place un filtre rempli de café moulu et au travers duquel de l’eau bouillante passe et se transforme en un goutte à goutte sombre qui atterri dans la cafetière. Mais là encore beaucoup de variables entrent en jeu : la qualité du café, la finesse de la poudre, le type de filtre (papier, tissu, métal, etc.), la température… En résumé, tout ce qui peut influer sur le mélange final entre l’eau et les composants du grain de café qui finissent par se retrouver dans votre tasse.
Pour-Over :
Au-delà de ces paramètres de base, la Third Wave est venue enrichir la méthode et les équipements pour faire émerger une grande variété d’autres « recettes » de cafés filtrés, avec comme objectif de permettre à tout un chacun d’obtenir LE café noir qui lui convient. Ce sont les méthodes dites de Pour-Over, qui consistent, toujours avec les mêmes équipements de base (récipient, filtre, eau chaude et café moulu), à verser à la main l’eau chaude à partir d’une carafe au long bec verseur et en formant des cercles allant du centre à l’extérieur du tas de café moulu placé dans le filtre. Là encore l’arbre de choix est très étendu, nous en citerons deux que l’on rencontre systématiquement dans les coffee shops branchés du moment : le Chemex qui est une méthode de Pour-Over dans laquelle on utilise un filtre spécial en papier breveté depuis son invention par un chimiste allemand du nom de Peter J Schlumbohm en 1941.
Le Chemex à la réputation d’être un café encore plus léger que le simple café filtre automatique, de couleur plus claire et moins amer, en raison de l’épaisseur du filtre qui retient davantage des composants du grain de café, notamment ceux qui en augmentent l’amertume.
L’autre version intéressante du Pour-Over est le V60 dont l’équipement fait la différence grâce à la forme en V de la carafe, ses angles de 60 degrés et les rainures internes qui aident à la circulation de l’air pendant le filtrage. Tout ceci étant un gage de saveur et de raffinement du breuvage final.
Le cold brew / nitro cold brew :
Comme son nom l’indique, c’est un café froid. L’idée ici est de prendre du café (du bon et du single origin) moulu grossièrement et de le laisser infuser dans de l’eau froide ou à température ambiante pendant 12 heures. Une fois ce temps passé, il suffit de filtrer et de servir. Pourquoi est-ce si spécial ? Cette méthode permet de retenir dans la poudre que l’on exclut du liquide une plus grande partie de l’acidité et de l’amertume par rapport au café filtré par l’eau chaude. Et enfin, encore plus futuriste, il existe le nitro cold brew qui se sert comme de la bière via une machine à pression dans laquelle du nitrogène en gaz est ajouté au cold brew pour en faire une boisson à la fois mousseuse, douce et agréable par temps chaud.
L’expresso :
C’est LA star du café noir… et du café à base de lait également ! Quelles que soient les méthodes de fabrication, tous les expressos sont obtenus par le passage d’eau chaude pressurisée dans une moulure très fine et très compacte de café, pour recueillir in fine un liquide épais, concentré en arômes et en goûts, “full-bodied” donc, et avec une fine couche de mousse crémeuse au-dessus du liquide que l’on nomme Crema.
C’est le fameux shot d’expresso. Mais une fois obtenu, il peut ensuite donner naissance à une foultitude de variants (qui peuvent être très contagieux !) en jouant simplement avec les quantités et les textures d’eau ou de lait.
Les versions aqueuses issues de l’expresso, et qui sont les plus populaires sont :
• L’américano : un shot d’expresso auquel on ajoute le double, le tripe ou le quadruple de volume d’eau chaude.
• L’allongé : même chose mais l’eau est ajoutée dans la continuité du shot “normal”, c’est donc une extraction prolongée de l’expresso.
• Le long black : c’est l’inverse de l’Americano, on ajoute l’expresso par-dessus l’eau chaude, ce qui, parait-il, conserve mieux la crema et les arômes.
Passons enfin aux meilleurs (oui c’est subjectif) avec les préparations à base d’expresso et de lait. Là aussi d’abord une généralité : un “espresso based coffee” comme son nom l’indique, désigne un café qui commence par un ou plusieurs shots d’expresso, dans lequel est ajouté une certaine quantité de lait chaud. Jusque-là rien d’exceptionnel. Mais là encore, selon la proportion d’expresso et de lait, la température de ce dernier, sa texture et son type… et bien il y a un monde. Parlons donc des différentes façons de préparer les plus populaires, du plus laiteux au plus concentré en café :
• Latte : un single shot d’expresso que l’on mélange avec du lait chaud moyennement mousseux dans une tasse d’environ 300 ml. C’est la version la plus laiteuse avec un goût prononcé de lait et un goût subtil de café.
• Flat white : une boisson née en Australie et en Nouvelle-Zélande, à base d’un double shot d’expresso, et de lait très peu mousseux (micro texturé) dans un verre de 200 ml environ.
• Capuccino : même proportion que le flat white mais avec du lait chaud beaucoup plus mousseux qui permet de laisser une couche de mousse épaisse au-dessus du liquide et d’avoir ainsi un mélange plus concentré en café une fois la mousse aspirée (aussi peu bruyamment que possible).
• Piccolo / Cortado / Magick : double shot d’expresso avec du lait chaud peu mousseux mais dans une tasse de 100 ml environ, soit une concentration plus forte en café qu’un flat white.
• Machiato : single shot d’expresso et juste un nuage de mousse de lait chaud, l’intensité de l’expresso avec une touche de douceur
Pour aller plus loin :
Si vous souhaitez déguster un bon café, nous vous livrons notre sélection des meilleurs spots pour déguster un café d’origine à Dubai !