Parole d’artistes : la parole à Hakim Idriss, aka Socrome !
- CULTURE - ART - THÉÂTRE
Audrey Plantade
- 8 janvier 2025
- 276
- 18 minutes read

Il y a des artistes qui vous touchent et vous embarquent dans leur univers instantanément. Hakim Idriss est de ceux-là ! (Re)découvrez ce graffeur et peintre franco-comorien, installé à Dubai depuis quelques années. En résidence depuis quelques mois au Park Hyatt, il y expose actuellement ses premières toiles. Après des années à manier la peinture à la bombe, Hakim Idriss s’est muni d’un couteau à peindre, comme pour marquer une renaissance de son style et de son art.
Bien qu’il vous dira qu’il n’en est qu’au début de son apprentissage de la peinture au couteau, sa première exposition marque bel et bien la croisée des chemins entre son passé de graffeur et le besoin d’exprimer ses nouvelles inspirations. Entrez dans son univers puissant et coloré, qui révèle bien souvent de profondes émotions.
Et preuve que cet enfant du hip-hop est plus que jamais fier de son héritage, saurez-vous identifier quels musiciens se cachent derrière le titre de ses toiles ? Une exposition à découvrir d’urgence entre amis ou en famille, jusqu’à la fin du mois au Park Hyatt. Foncez-y !
Hakim Idriss, pouvez-vous vous présenter en quelques mots à nos lecteurs ?
Bonjour, je m’appelle Hakim Idriss. Je suis originaire des îles Comores, mais je suis né et j’ai grandi à Paris, avant de passer mon adolescence aux Comores, puis de revenir en France. Mon parcours artistique a véritablement commencé dès l’adolescence avec ma découverte du graffiti. Cette pratique a profondément marqué mon approche de l’art, notamment à travers son côté calligraphique et la gestuelle qui tire vers l’abstraction.
Aujourd’hui, je vis à Dubai depuis environ trois ans avec ma femme et mes deux filles, âgées de 12 et 6 ans. Je travaille sur des projets artistiques dans la région depuis environ une dizaine d’années. En tant qu’artiste, j’ai évolué du graffiti vers des formes plus contemporaines, cherchant un équilibre entre le figuratif et l’abstrait, avec un intérêt particulier pour le rythme et la composition.
Actuellement, je suis en résidence artistique au Park Hyatt de Dubai, où je présente mon exposition Legacy Beats. Cette résidence, qui a débuté le 1er novembre 2024 et se terminera le 31 janvier 2025, me permet d’exposer des toiles, de réaliser une fresque murale, et bientôt de présenter une grande sculpture sur laquelle je travaille activement. Cette période est pour moi une occasion unique d’explorer de nouvelles formes d’expression tout en approfondissant mon introspection artistique. Le support toile est assez nouveau pour moi et j’ai mis beaucoup de temps à m’y mettre.

Pratiquez-vous votre art pour votre loisir ou en tant que professionnel ?
J’ai la chance de pratiquer mon art professionnellement depuis de nombreuses années. Dans une première partie de ma vie, j’étais salarié dans le domaine de la communication tout en cultivant ma passion pour la peinture en parallèle. Progressivement, cette passion a pris le dessus, et j’ai su trouver des moyens de vivre de mes créations, notamment en collaborant avec des marques, principalement en intervenant sur leurs produits et objets au cours d’événements.
Ces collaborations m’ont offert des opportunités de voyager, notamment à Dubai, où j’ai travaillé à plusieurs reprises avec Montblanc. C’est comme ça que j’ai découvert la ville et décidé d’y poser mes valises avec ma famille quelques années plus tard, en partie pour son emplacement stratégique entre l’Europe, l’Afrique et les Comores, mais aussi pour le potentiel qu’elle offre.
Quel a été le parcours scolaire/professionnel et/ou artistique qui vous a forgé en tant qu’artiste ?
Mon parcours scolaire n’était initialement pas orienté vers l’art. J’étais destiné à une voie scientifique, encouragé par mes parents. Mais j’ai rapidement compris que ce qui me passionnait vraiment, c’était l’art et la peinture. J’ai donc étudié les arts plastiques à Paris VIII, où j’ai découvert l’histoire de l’art, tout en peignant intensément et en voyageant pour réaliser des fresques en parallèle.
Par la suite, j’ai étudié les Arts appliqués pour apprendre des outils comme Photoshop et Illustrator. Il était convenu de penser qu’il s’agissait de la meilleure voie pour avoir un métier dans l’univers « créatif ». Cela m’a conduit au graphisme, puis à des postes de direction artistique dans la communication. Bien que cette expérience m’ait appris beaucoup, j’ai compris qu’elle ne correspondait pas à ce qui me passionnait profondément. J’ai alors préparé ma transition vers une carrière plus créative et artistique, avec les risques et surtout la liberté que cela implique.
Hakim Idriss, comment définiriez-vous votre travail artistique ? Quel est votre style ?
Définir mon style est un exercice difficile, car mon identité artistique est en constante évolution. La notion d’identité est d’ailleurs très connectée à mon travail, y compris pour cette exposition. En essayant d’être le plus lucide possible, je dirais que je suis avant tout un enfant du graffiti, particulièrement de son côté calligraphique et abstrait. Cette pratique a forgé mon amour pour la lettre, la gestuelle, et les compositions dynamiques. C’est cette essence que je veux conserver et faire évoluer.


Mon travail est également influencé par mes racines comoriennes, ce qui se reflète dans mon pseudonyme d’artiste, Socrome, un anagramme de “Comores”. Aujourd’hui, je cherche à fusionner cette énergie urbaine avec une approche plus introspective et abstraite, que je traduis sur toile ou à travers des paysages et portraits qui tendent vers de l’abstrait.
Qu’est-ce qui, de façon générale influence votre art ?
Je crois que tout est susceptible de m’influencer. Bien sûr, la musique est une constante dans ma vie et m’accompagne presque toujours lorsque je crée. Elle nourrit mon inspiration et reflète ma diversité d’intérêts. Au-delà de la musique, je suis influencé par tout ce qui me touche ou m’interpelle : une chanson, un artiste, une rencontre, ou toute forme d’expression créative.
Votre vie et ses étapes influencent-elles votre art et de quelle manière ? En quoi la vie aux Émirats a-t-elle influencé votre travail artistique ?
Oui, je pense que ma vie et ses étapes influencent forcément mes productions artistiques. La première étape a été pour moi le graffiti à la période de l’adolescence, j’ai été absorbé dans une dynamique collective qui m’a passionné. Avec une vraie notion de compétition positive, de dépassement de soi. C’est aussi arrivé à point dans une période charnière de construction de son identité. J’ai rejoint à cette époque les codes d’une discipline, des modes de fonctionnement, des écoles de style. C’est une époque où mon travail s’inscrivait beaucoup dans le « wildstyle » New Yorkais, qui consiste à dynamiser les lettres à l’extrême, jusqu’à atteindre une portée presque abstraite. J’ai rejoint ou créé des collectifs d’artistes et nous nous influencions tous les uns les autres, c’était très enrichissant.

J’ai par la suite été de plus en plus « ouvert » et ai trouvé un vrai intérêt pour la calligraphie, dont la filiation me paraissait évidente. Je suis passé par toute une série de test et d’expérimentations.
L’environnement et la situation personnelle ont été aussi un grand facteur d’influence sur mon travail ; j’ai décidé il y a quelques années m’installer avec ma femme et mes enfants dans mon pays d’origine, les Comores. Tout y était différent : le climat, les gens, l’accès (ou le non-accès) au matériel. Il a fallu s’adapter notamment adapter les outils et techniques. J’ai aussi rencontré des artistes sur place avec lesquels nous avons fait des expérimentations artistiques, notamment le fait de mélanger les caractères et la calligraphie arabe au wildstyle, le tout dans un environnement urbain totalement Erge et qui découvrait les fresques murales, c’était passionnant d’assister à ce moment où une population se retrouve pour la première fois confrontée à de grandes fresques monumentales, et se sentir représentée par des artistes qui viennent de là.


La vie aux Émirats est encore assez récente pour moi donc délicat de prendre du recul, mais elle m’offre un cadre particulièrement intéressant pour moi dans la période très introspective dans laquelle je suis. J’y trouve du calme, un emplacement pour voyager un peu partout, plus stratégique que les Comores. J’y retrouve aussi un peu de chez moi de par sa culture musulmane, les filiations entre la gastronomie indienne et la comorienne, une certaine sérénité. J’aime beaucoup aussi le dynamisme de la région, on sent un développement et une ouverture de plus en plus grande, ce qui n’est pas mon ressenti côté européen.
Hakim Idriss, quel artiste vous a le plus marqué jusqu’à présent ?
Il y a énormément d’artistes de ma discipline qui m’ont influencé et faire une sélection serait un peu faussé, car cela dévaloriserait un peu l’impact de ceux que j’aurais oubliés. Je n’arrive vraiment pas à m’arrêter sur un artiste en particulier.
Quelle est votre journée type lorsque vous créez ?
Mes journées se ressemblent assez peu quand je suis en déplacement, mais lorsque je suis à Dubai :
Je dépose ma femme (enseignante) et mes filles à l’école. Puis je vais me prendre un petit déjeuner indien avec un bon karak tea (qui est quasi identique au thé comorien) et un jus de fruit frais.
Ensuite je passe acheter du matériel et me rends à mon atelier du côté de Jumeirah. Je peins toute la journée, à mon rythme puis rentre chercher ma petite famille.
En ce moment, je suis en résidence au Park Hyatt de Dubai donc j’installe un chevalet dans un des espaces de l’hôtel pour peindre. C’est l’occasion de sortir un peu de ma grotte et d’échanger avec les plus curieux.
Deux lieux artistiques préférés à Dubai :
Difficile de ne pas citer Alserkal Avenue, qui est pour moi un pôle majeur de Dubai. Ensuite, je vais dire le Park Hyatt où vous retrouverez mes toiles, et surtout une grande fresque murale que je viens de terminer :).
Deux bonnes adresses à Dubai :
• J’adore le bon fromage personnellement, je vais donc mentionner la fromagerie Frencheese qui propose des bons fromages français de producteurs sans se ruiner. (Quartier Oud Metha derrière Al Nasr Club)
• Studio Thirteen à Al Quoz : Un atelier de plusieurs artistes intéressants qui organisent de nombreux événements autour de l’art, des rencontres avec des artistes et projections. Ils proposent aussi un espace de type « coworking » pour les créatifs.
Hakim Idriss, quelle est votre actualité artistique ? Quels sont vos projets artistiques ?
Mon exposition Legacy Beats est ma principale actualité du moment. Je travaille actuellement sur un projet de grande sculpture en inox qui sera installée au Park Hyatt j’espère en janvier 2025. Le travail en volume est tout nouveau pour moi, et donc particulièrement excitant !
HAKIM IDRISS, SUR UNE ÎLE DÉSERTE, VOUS EMPORTEZ :
– Quel film ? Je regarde très peu de films / séries… Joker !
– Quel livre ? Les Identités Meurtrières – Amin Maalouf
– Quelle musique ? The Miseducation of Lauryn Hill
– Quel objet ? Un carnet de croquis (et un crayon !)
– Laquelle de vos œuvres ? « Lost Ones » issue de ma dernière exposition
Exposition Legacy Beats de Hakim Idriss :
Park Hyatt
Instagram : @socrome