Lectures d’été !
- CULTURE - ART - THÉÂTRE
- Frédérique Vanandrewelt - Gradisnik
- 18 août 2022
- 193
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L’été s’étire, on profite encore quand on le peut de la famille et des amis… On s’est promenés, on a visité de nouveaux lieux, cuisiné de nouveaux plats et il reste du temps pour apprécier de nouvelles lectures.
Pour cette deuxième sélection de l’été, j’ai choisi de traverser l’Atlantique pour mettre le cap sur les USA.
En 1900 d’abord, au cœur d’une Amérique puritaine et ségrégationniste ; puis dans les années 60 pour constater qu’en un demi-siècle, la société n’a guère évolué. Vous pourrez ensuite embarquer dans un road trip sur fond de guerre du Vietnam ou vous plonger dans une comédie douce-amère désormais classique, récemment adaptée au cinéma par Yvan Attal.
• Belle Greene de Alexandra Lapierre
« En cet instant, Geneviève comprit que Belle avait choisi : que sa décision était prise de longue date ; et que ses frères et sœurs la suivraient. Cette fois, les jeux étaient faits. Et si elle-même ne voulait pas perdre ses enfants, elle allait devoir non seulement les accompagner, mais probablement les guider dans leurs mensonges et leurs mises en scène. Six destins indissociables, où le manquement de l’un entraînerait la chute de tous les autres. L’aristocratique famille Van Vliet Da Costa Greene était née. »
Connaissez-vous Belle da Costa Greene alias Belle Greene ?
Il s’agit d’une femme noire qui à l’instar de sa mère, se fait passer pour une blanche et gravit tous les échelons de la société américaine en pleine ségrégation et dont Alexandra Lapierre nous raconte le destin exceptionnel.
On suit la jeune femme toujours entourée de sa mère, de ses sœurs et de son frère dans sa fulgurante ascension. Passionnée par les beaux ouvrages, elle est engagée par J-P Morgan pour s’occuper des collections de sa superbe bibliothèque New-Yorkaise. Grâce à lui, elle fréquente la haute société et voyage à travers l’Europe. Courtisée, respectée, elle donne à sa famille l’accès aux études supérieures et leur assure un avenir pour le moins confortable.
Mais tout cela ne va pas sans sacrifices ni sans crises de conscience des différents protagonistes… Belle est-elle une intrigante qui renie ses origines ou est-elle une femme révoltée qui se bat pour exister comme elle le souhaite et se moque du puritanisme ambiant ?
Traîtresse comme le pense son père ou héroïne comme la voit sa mère ? Je me suis fait ma propre idée, à vous de forger la vôtre en vous plongeant dans ce superbe portrait d’une femme époustouflante de modernité.
• Un long, si long après-midi de Inga Vesper
« – C’est vrai, elles cachent toutes quelque chose. Joyce avait un grand secret. Ça la dévorait de l’intérieur, et pourtant elle n’avait personne à qui en parler. Les gens de Sunnylakes, ils vivent au pays des rêves. Et ils veillent à ce que personne ne vienne percer leur bulle. Ils… jouent à faire semblant. Vous avez sûrement remarqué. »
Un quartier chic, une maison étincelante, un mari dans les affaires, deux charmantes petites filles, une grosse cylindrée et une maid noire bien sûr, sans oublier la voisine attentive et bien intentionnée… Nous ne sommes pas dans un nouvel épisode de la série « Desperate housewives » mais dans le dernier roman de Inga Vesper, page-turner que vous ne poserez qu’une fois terminé.
Mais revenons à notre tableau idyllique de départ, c’est de ce décor idéal qu’est effacée Joyce, un jour comme un autre de 1959. Des épouses modèles partagées entre leurs clubs, la gestion de la maison et le peaufinage de leur vernis social, Joy n’a que les apparences. Elle ne répond pas aux normes pour le moins sclérosantes de la petite communauté à laquelle elle appartient malgré elle.
L’inspecteur Blanke est en poste depuis peu à Santa Monica où il a été envoyé après une affaire compliquée à Brooklyn et il compte bien restaurer son image. Chargé d’enquêter sur la disparition de Joyce, il constate que ses collègues ont vite désigné la coupable idéale.
La jeune Ruby est en effet au service de Joy et c’est elle qui a découvert la scène de ce qui pourrait bien être un crime. Pas de cadavre mais une cuisine maculée de sang !
Dans l’Amérique encore raciste et sexiste des années 60, le grand tort de Ruby est d’être une femme noire et pauvre.
Les deux personnages que tout oppose symbolisent toutefois une même aliénation, il est interdit à l’une comme à l’autre de rêver son destin. Ce sont leurs cris de révolte que transmet Inga Vesper dans ce roman qui est un peu plus qu’un roman policier passionnant.
• America(s) de Ludovic Manchette et Christian Niemiec
« Il faut surtout pas suivre les chemins tout tracés. C’est le meilleur moyen d’aller nulle part ! »
Après l’excellent Alabama 1963, nous attendions avec impatience le nouveau polar made in Bretagne par le talentueux duo Manchette-Niemec.
Raté ! Si l’action se passe toujours aux USA, pas d’énigme policière cette fois mais un road trip aux côtés d’une ado au caractère bien trempé.
Amy, qui change de prénom comme de chauffeur, quitte Philadelphie pour retrouver sa sœur dont elle n’a plus de nouvelles depuis un an.
Elle part sans se retourner sur des parents indifférents aux idées courtes et aux cœurs secs comme l’avait fait l’ainée, Bonny, pour tenter sa chance en tant que playmate à Los Angeles.
Nous sommes en 1973 et le pays est secoué par le scandale du Watergate et traumatisé par la guerre du Vietnam, la route de la jeune aventurière sera ponctuée de bonnes et de mauvaises rencontres qui la feront grandir.
Elles sont plutôt bonnes les rencontres d’ailleurs, peut-être trop pour y croire ! Et le récit prend dès lors des airs de conte initiatique dont je vous invite à découvrir la morale finale.
Vous terminerez cette lecture le sourire aux lèvres et des couplets des standards du rock plein la tête.
• L’Affaire Alaska Sanders de Joël Dicker
« Chaque fois qu’on évoque un souvenir et qu’on se dit « c’était bien », c’est en fait notre cerveau malade qui distille de la nostalgie pour nous persuader que ce que nous avons vécu n’a pas été vain, que nous n’avons pas perdu notre temps. Parce que perdre son temps, c’est perdre sa vie. »
Les inconditionnels de Joël Dicker sont déjà convaincus… Dix ans après La vérité sur l’affaire Harry Quebert, après quatre best-sellers signés par le jeune écrivain et désormais éditeur suisse, la magie allait-elle encore opérer ?
Le duo Gahalowood-Goldman, le sergent et l’écrivain, reprend du service pour reprendre à zéro une affaire vieille de onze ans.
De New-York à Mount Pleasant, de 1999 à 2010, leur enquête vous entraînera dans cette Amérique si familière et si exotique à la fois pour résoudre l’énigme de l’assassinat d’Alaska Sanders.
Le corps sans vie de la jeune reine de beauté avait été retrouvé en 1999 au bord du lac à proximité de la tranquille bourgade du New Hampshire. Les coupables avaient été identifiés, l’assassin, amant de la victime, et son complice avaient avoué et l’affaire était classée.
C’était sans compter sur une lettre anonyme envoyée onze ans plus tard au sergent qui avait mené l’enquête remettant en cause ses conclusions. Marcus Goldman, qui vient de faire paraître La vérité sur l’affaire Harry Quebert va donc aider son ami, le sergent Perry Gahalowood à faire enfin éclater la vérité.
Dès l’écriture de son premier roman, Joël Dicker a une trilogie en tête. Ce nouveau roman, bien qu’écrit après Le Livre des Baltimore, est la suite du premier. Ainsi, la boucle est bouclée et le cycle est terminé. La grande fresque de la vie de Marcus devrait s’arrêter là ?
Et ses fidèles admirateurs attendent avec impatience les surprises qui les attendent dans le prochain polar de « l’écrivain » ?
• Huit crimes parfaits de Peter Swanson
« Les livres sont comme des voyages dans le temps. Tous les vrais lecteurs savent cela. Mais ils ne vous ramènent pas seulement à la période où ils ont été écrits, ils peuvent aussi vous ramener à d’autres versions de vous-même. »
Si vous avez aimé Vis à Vis du même auteur, vous serez également passionnés par ce polar à l’atmosphère de roman noir et aux accents hitchcockiens.
L’agent Gwen Mulvey du FBI mène de front deux enquêtes sur une série de crimes et un « accident », tous clairement inspirés d’un roman d’Agatha Christie pour les premiers et d’un roman de James Cain pour le suivant. Fait troublant supplémentaire, ces deux livres font partie d’une liste intitulée « Huit crimes parfaits » publiée sur un blog quelques années plus tôt par Malcolm Kershaw, un libraire de Boston, spécialisé en roman policier.
Gwen Mulvey espère donc que Malcolm Kershaw pourra l’aider à interpréter les quelques éléments en sa possession pour démasquer le ou les criminels…
Nous suivons le libraire dans ses réflexions et ses déductions truffées de références au genre policier qui lui est cher. La tension est palpable et l’angoisse va crescendo. Mais qui est vraiment cet homme ? Veuf au caractère difficile et au passé trouble, il n’inspire pas particulièrement la sympathie et on finit même par le soupçonner… Mais ce n’est pas si simple et la chute vous surprendra sans doute !
A peine refermé, ce roman nous donne envie d’ouvrir tous les autres, et pour commencer ceux de la liste : les huit crimes parfaits !