Assise dans son Hello Kitty Beauty Spa aux faux airs de boudoir façon Marie-Antoinette, Fatima Sharaf, fondatrice et directrice de ce salon de beauté unique au monde, décrit comment lui est venue cette idée originale qui n’en finit pas de séduire les petites princesses et leurs mamans. Elle parle aussi de sa famille qui a donné naissance au Groupe Sharaf, un nom réputé à Dubai et de ses derniers projets.INTERVIEW et photos par Kyradubai sur 25 Novembre 2012.Comment vous est venue l’idée d’un Salon de beauté Hello Kitty, un rêve de petite fille?
J’ai eu cette idée il y a longtemps. Je suis allée voir mon frère Yasser, qui dirige Sharaf Retail, avec cette idée d’un spa pour enfants and il m’a dit «oui, c’est une bonne idée» mais c’était tout. Quelques mois plus tard, il m’en a reparlé et m’a dit «j’ai joué avec ton idée. Je te propose la même chose mais avec la marque Hello Kitty». Il voulait développer Hello Kitty au delà de la vente au détail. Nous avons fusionné nos deux idées et Hello Kitty Beauty Spa est né.
C’est le premier et le seul au monde?
Oui, nous avons la licence de Sanio Japon pour les marchés mondiaux. Si qui que ce soit veut ouvrir un Hello Kitty Beauty Spa, ils doivent passer par nous.
Comment se porte le Spa?
Ça marche du tonnerre. Je ne pensais vraiment pas que ça marcherait à ce point. En même temps, si vous regardez partout dans le monde il y a un grand retour de Hello Kitty.
Cela titille notre côté nostalgique et c’est à la mode en même temps?
Exactement. Cela nous ramène à notre enfance. Et les enfants d’aujourd hui l’aiment aussi.
C’est le fameux kawaii japonais ?
Oui exactement, c’est mignon.
Quelle est votre clientèle?
Surtout les enfants. Ici nous les appelons des Princesses. Les plus jeunes ont un an. Nous leur faisons leur première coupe avec un certificat avec une mèche de cheveux. Nous utilisons des produits purs, totalement surs. Nous avons du vernis organique. C’est notre politique de sécurité. Nous avons des vernis Hello Kitty mais aussi OPI et Essie. Les filles les aiment parce qu’elles veulent qu’on les traitent en adultes. Elles veulent être comme leurs mères (ndlr: les Reines). Elles s’assoient dans les mêmes fauteuils et choisissent, elles aussi, leurs gommages et le parfum de la mousse. Nous ne leur limons pas les ongles mais nous les gommons et les soignons.
J’ai ouï dire que vous avez insisté pour apprendre tous les rudiments du métier. Vous avez même fait un stage dans les règles de l’art avec une coiffeuse française, Sandrine Bernard?
Elle m’a donné du fil à retordre! Elle m’a fait faire shampoings après shampoings. J’en ai fait pendant un mois presque tous les jours. De très longues heures. Vous seriez surprise: j’ai du personnel qui a plus de 15 ans d’expérience mais le shampoing c’est fondamental. La position, la pression, un lien s’établit avec le client même au bac. Les gens pensent qu’il s’agit juste de shampoing mais c’est faux. Et je ne veux pas que mon personnel accomplisse des actes dont je n’ai pas fait l’expérience. Si ils mélangent la couleur, je dois savoir le faire aussi. S’ils font une coupe, je dois pouvoir vérifier qu’ils le font bien. Surtout lorsqu’il s’agit d’enfants. Le plus important: je veux que mes employés sachent comment traiter une Princesse. Quand ma fille était plus jeune, j’avais un problème. Il existait des salons soit pour les petits mais ils n’avaient aucune notion de style, soit pour les adultes mais ils ne savaient pas comment traiter les enfants.
Vous avez donc une fille?
Oui, elle a dix ans.
Elle vous a inspiré pour le Spa?
Oui elle m’a toujours donné des idées. Chaque fois qu’elle vient, elle fait des remarques. «Maman, le client n’était pas très content. Tu devrais y aller et lui dire…» Et elle veut toujours mettre la main à la pâte. Elle propose des idées nouvelles. Notre logo par exemple: nos tables et miroirs étant ovales, elle m’a dit «pourquoi ne prenons pas cette forme pour notre logo?» J’en ai parlé au graphiste. Le bac à shampoing était trop petit? «Maman, les filles le préfèrent plus grand»…
Elle fait vos études de marché?
En quelque sorte! Elle aide beaucoup. Son nom est Rhoda qui veut dire jardin et paradis en arabe.
Pouvez-vous m’en dire plus sur votre famille?
Mes grands parents paternels et maternels étaient commerçants comme tous les Dubaiotes. Le Groupe Sharaf a démarré grâce à deux frères il y a presque 40 ans: mon père Sharafuddin Sharaf et mon oncle Ibrahim. Ils ont commencé dans le commerce maritime dans les années 70, puis l’immobilier, puis doucement la vente au détail et aujourd’hui nous avons 60 entreprises et plus de 5000 employés dans le monde.
Quelles valeurs vous ont-elles été transmises?
Mon père m’a appris les affaires: le client a toujours raison. Si les clients ne sont pas satisfaits, alors il n’y a plus de business. C’est ce que je dis à mes employés. En tant que cliente, mon but est que vous soyez heureuse. Tant que vous ne serez pas heureuse, vous ne partirez pas.
Votre éducation était axée business?
On pense toujours business. A chaque fois qu’on voyageait, où qu’on aille, mon père parlait de toutes sortes d’affaires ou cherchait les opportunités. Il reste toujours à faire dans ce qui existe déjà et parfois quelque chose de neuf à construire.
Quel est votre parcours?
J’ai étudié la linguistique à King Saud University en Arabie Saoudite. J’ai ensuite rejoint le Groupe Sharaf alors qu’ils ouvraient le premier magasin en 1985. Ils étaient dans les affaires depuis 30 ans mais pas dans la vente au détail. Leurs principaux centres d’activité étaient le transport maritime et l’immobilier. J’ai commencé en bas de l’échelle au département marketing comme n’importe quel autre employé. Je n’avais aucune expérience et mon père tenait à ce que je parte de la base.
Cela fait partie de votre philosophie familiale des affaires?
Enfants, nos vacances scolaires n’ont jamais été de vraies vacances. Nous passions un mois à aller au bureau et à apprendre des choses. Ensuite, seulement, nous avions droit aux vacances. J’ai donc travaillé là quelques années jusqu’à ce que je me marie et que j’aie ma fille. J’ai arrêté pour être avec elle à la maison mais là aussi, j’avais des affaires personnelles. Entre deux, j’ai aussi enseigné l’anglais à l’école Sara de Rashadie. J’adorais enseigner mais après deux ans j’ai voulu passer plus de temps avec ma fille et la préparer pour l’école. J’ai monté ma boîte de stylisme et une boutique. Puis, j’ai à nouveau rejoint le Groupe Sharaf lorsque ma fille a commencé l’école.
Qu’avez-vous appris en allant faire vos études à l’étranger?
Étudier à l’étranger- j’ai fait une licence en Arabie Saoudite- m’a appris à devenir indépendante. J’avais 17 ans. C’était un pays difficile à vivre, très différent de Dubai. A l’époque, c’était un monde d’hommes. Aujourd’hui c’est différent. Ici nous ne devions pas nous voiler, c’était un choix. Là bas vous y étiez obligées. Maintenant c’est autre chose que lorsque j’y ai étudié.
Pourquoi choisissez-vous de vous voiler?
Cela facilite la vie. Vous n’avez pas besoin de réfléchir à ce que vous allez porter. Et cela fait partie de notre identité, de notre religion. Cela permet aussi de rester modeste. Et dans une perspective masculine, c’est une marque de respect vis à vis de la famille. Pour moi c’est aussi une manière de ne pas me soucier de ce que les gens pensent de moi. Dans ma famille, nous sommes assez conservateurs, traditionnels. A la puberté, vous portez votre sheila et votre habaya et durant les fêtes, nous ne nous asseyons pas ensemble. C’est ainsi.
Vous avez une très belle habaya, très originale?
Merci. Je dessine mes propres habayas. Je déniche un tissu, je le stylise, le développe.
Aviez-vous un rêve de Princesse?
Je voulais être styliste ce que j’ai été un temps. Je voulais étudier le stylisme mais à l’époque mes professeurs et mes parents n’aimaient pas trop cette idée. Ils m’ont conseillé d’obtenir une vraie licence et de faire du stylisme à côté. Si tu as du talent, tu n’as pas vraiment besoin d’en faire tes études, me disaient-ils. Et je crois réellement à cela. Avec le temps, je crois qu’ils avaient raison.
Aimiez-vous Hello Kitty étant petite fille?
Il y avait un magasin au Gurair Mall à Deira. C’était l’un des plus grand centre commerciaux à l’époque. Chaque Eid, nous recevions un peu d’argent et, pfff, nous allions chez Hello Kitty. Le magasin s’appelait My Melody. J’adorais leurs gommes. Elles étaient parfumées et j’en étais folle. Et c’est drôle car ma fille les collectionne. Tout le monde aimait Hello Kitty, ici à Dubai.
Comment était Dubai à cette époque?
Nous jouions beaucoup en plein air. C’était très sûr, toutes les portes étaient ouvertes. Nous passions notre vie dehors dans le sable, à vélo.
Viviez-vous dans le désert?
Dubai était un désert. Nous avons toujours vécu à Jumeirah. Vous savez, tout le monde vivait à Deira ou Bur Dubai en ce temps là et pensait que nous étions très loin, là bas, dans le désert. Il n’y avait pas d’immeubles à JBR à part le Méridien. Les gens disaient qu’on ne pouvait pas aller à Jumeirah, c’était trop loin dans le désert. Mais nous vivions dans des maisons en dur avec l’eau courante, l’électricité et tout. Mais nous allions beaucoup dans le désert et nous continuons à y aller. Quand il pleut, tous les locaux sautent dans leur voiture et rejoignent le désert. Comme la pluie est rare, nous en profitons. Nous allons dans le désert le plus possible. C’est encore de la nostalgie.
Que pensez-vous de Dubai aujourd’hui?
Je suis fière de ce que Dubai est devenue. C’est un peu rapide pour moi. Nous admirons tous Sheikh Mohammed. Nous avons tous appris de lui. Lorsqu’il dit que «Rien n’est impossible», je le crois, J’aime aussi le vieux Dubai. J’ai l’impression que c’est allé trop vite. J’aime le résultat mais ça a été trop rapide. C’est incroyable mais pour nous de saisir ce qui s’est passé… C’est impossible de bâtir une telle ville en si peu de temps. Personne ne le peut: c’est extraordinaire. Une chance ne se présente qu’une fois. C’est la leçon à tirer, là sous nos yeux. Saisissez-la et pensez ensuite!
Comment préservez-vous votre culture?
La proximité est dans notre nature, se connaître les uns les autres et l’hospitalité. Tout cela nous réunit tout le temps. Nous sommes comme une grande famille, nous les locaux. Et les expatriés qui arrivent, nous les traitons comme nous nous traitons entre nous. Nous préservons cet héritage et notre culture. Tout se déroule harmonieusement. En dépit de cette modernité, vous constaterez que nous sommes tous connectés, attachés à notre culture et à nos croyances. Notre religion nous enseigne cela. Nous sommes de bons croyants et c’est aussi comme cela que nous préservons notre culture. Nous transmettons cela à nos enfants. En retour, les enfants observent la façon dont nous réagissons et notre mode de vie. C’est une roue. Ils feront de même avec les leurs.
En tant que femme d’affaires comment trouvez-vous le temps de transmettre tout cela à vos enfants? Leur enseignez-vous l’arabe?
Oh oui ma fille parle l’arabe, l’anglais et le français. J’ai aussi appris ces langues à l’école. Les langues ne doivent pas constituer une barrière. Dubai étant une ville internationale riche de toutes ces cultures, c’est une opportunité de les découvrir. Le monde est ici. Dans la classe de ma fille, il y a de nombreuses cultures et nationalités et c’est l’occasion de les connaître. Récemment, ils ont célébré la fête indienne de Diwali. Je crois qu’il es important de s’intéresser aux religions et aux cultures des gens qui nous entourent. C’est bien d’avoir des connaissances, cela ne peut pas faire de mal. J’aime ça. Nous pouvons tous vivre ensemble et apprendre les uns des autres.
On sent une grande hospitalité, ici, dans votre spa. Vous avez travaillé là dessus?
Il y a un endroit où s’asseoir, comme un salon. Je veux que les gens viennent, s’assoient, regardent la télé et prennent leur temps sans forcément être consommateurs. C’est très confortable, décontracté… Comme à la maison! Après votre soin, vous pouvez rester le temps que vous voulez. Nous avons un karaoké. Les enfants chantent. Cette notion d’hsopitalité est très importante. Vous devez vous sentir à l’aise, heureux, relax dans un bel environnement sécurisé. Il s’agit toujours de la satisfaction du client.
Vous avez des projets?
Nous travaillons sur le développement de la franchise. Ce sera prêt dans les mois qui viennent. Nous prévoyons deux nouveaux spas à Abu Dhabi. Nous avons été approchés par House of Frazer et par Abu Dhabi Mall. Nous introduisons également de nouveaux soins comme des massages etc. J’ai fait beaucoup de recherches mais on apprend aussi avec l’expérience.
Vous allez vite?
Pas autant que je le voudrais. Je ne suis pas patiente. Je suis ambitieuse.
Travaillez-vous avec votre frère Yasser Sharaf (Director général de Sharaf Retail)?
Main dans la main. Il me demande conseil et moi aussi. Je suis l’ainée.
D’autres projets?
Sanio était si content du Hello Kitty Beauty Spa qu’ils ont décidé d’ouvrir un café. Nous y travaillons. Je cherche l’endroit idéal.
Qui serait?
Idéalement? En face des fontaines du Dubai Mall! Je voudrais un endroit fréquenté par les touristes.
Voir aussi le reportage photo:
http://kyradubai.overblog.com/tag/en%20photo/Pour plus d’infos:
http://hellokittybeautyspa.com/home.php
Pour réserver:
Town Center, Dubai
+971 4 344 9598+971 4 344 9598
bookings@hellokittybeautyspa.com
Ouvert tous les jours de 10am à 9pmLe Groupe Sharaf
L‘un des plus grands et des plus respectés aux Emirats Arabes Unis.
Détient plus de 60 entreprises dans 6 différents secteurs d’activité: technologie de l’information; transport maritime; vente au détail; immobilier; services financiers; produits de consommation; voyage et tourisme; construction.
Le Groupe a été fondé par deux frères entrepreneurs: Ibrahim Sharaf et Sharaffudin Sharaf, d’origine émiratie.
Le Groupe emploie plus de 2500 personnes en tout.
Les fleurons du Groupe sont: Sharaf Shipping Agency; Sharaf Industries; Sharaf Travels; Sharaf Enterprises; Sharaf Group Retail Division; Sharaf Design and Information Dynamics.
Le Groupe est actif dans plus de 20 pays.
Info: http://www.sharafs.ae/
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Kyra, journaliste et écrivain tient un blog, que nous vous recommandons chaudement : http://kyradubai.overblog.com/
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