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Biennale de Venise 2009

Une inversion dans le mouvement qui a conduit marchands et explorateurs en terre d’Orient, l’art des Pays moyen orientaux a envahi Venise dans l’édition actuelle de sa célèbre biennale d’art contemporain.

Péninsule arabe, Egypte, Pakistan, Afghanistan, Syrie (malgré des glissements nationalistes difficilement justifiables par les curateurs italiens), Palestine sont parmi les Pays admis cette année à la Biennale vénitienne, rendez-vous du gotha artistique et désormais étape obligée pour un public croissant de professionnels et amateurs.

Les Emirats Arabes Unis ont eu le privilège –sans doute dûment payé– de présenter deux projets: le Pavillon national, qui a été déjà brièvement introduit dans nos colonnes et sur lequel on reviendra donc pas dans le spécifique, mais que l’on considérera en tant que référence et élément de comparaison pour l’autre, la plateforme montée par ADACH, conçue par l’une des curatrices les plus renommées sur échelle internationale, Catherine David. Il faut préciser comme cette deuxième présence vénitienne figure parmi les événements collatéraux, ce qui n’implique pas un jugement de valeur mais plutôt un caractère pas strictement national (il s’agit là effectivement d’une exposition d’artistes de différente origine même si tous actifs ou impliqués dans des projets aux Emirats) et une liberté majeure au niveau de l’approche conceptuelle à la présentation.

Il était inévitable que la première question que l’on se pose face à ces deux pavillons (évidemment le terme «Platform» adopté par ADACH est un pseudonyme pour ne pas heurter la sensibilité d’autrui) concerne l’effective nécessité de représenter dans deux théâtres d’une même ville le même spectacle…ou de nous offrir deux tranches d’un même gâteau, ce qui risque toujours de devenir indigeste.

Il est légèrement décevant d’assister à une identité de perspective presque substantielle qui imprègne et sous-tend à ces deux expositions. La différence principale résidant en une certaine naïveté témoignée, malgré lui, par le pavillon national de Tirdad Zolghadr, ces deux présentations insistent également sur le démontage des clichés, les lieux communs qui ont «lancé» ce Pays du Golfe et qui commencent depuis quelques temps déjà à être aperçus comme limitatifs. Une certaine indulgence conversationnelle qui se manifeste dans les nombreuses interviews mises à la disposition du public (celles à l’apparence pas structurée avec Abdullah al-Saadi et Ahmed Mater au cœur de la Plateforme ADACH aussi bien que les confrontations hyper-structurées «montées» par Hannah Hurtzig pour le Pavillon national); l’exposition des grands projets urbanistiques respectivement conçus pour les villes de Dubaï et d’Abu Dhabi; les séquences d’images photographiques à l’apparence casuelle, qui explorent la dimension moins connue, si non cachée, de ces destinations du tourisme de riches… sont les aspects les plus évidents d’un programme également adressé même si pas ouvertement partagé.

Les photos de Mohammed Kazem, comme le reportage de Waël Noureddine et les très médiatisées images de Lamya Gargash (celle-ci dans le Pavillon national) ont toutes en commun la latéralisation du regard, même si nourrie de perspectives suffisamment différentes pour en faire des artistes résolument caractérisés. La propension à l’immortalisation est d’autant plus présente dans le pavillon national, ce qui est d’ailleurs compréhensible, tandis que la plateforme ADACH nous voudrait participes d’une expérience alternative et, dans ce but, le public est introduit dans un tunnel qui commence par nous éblouir avec le langage de la publicité pour nous amener donc dans un voyage initiatique qui pulvérise la propreté des matériaux précieux le plus souvent exploités dans les pancartes publicitaires, tout en stigmatisant la société de consommation qui en est l’expression.

On assiste donc, dans le cas de la plateforme ADACH à une dialectique des perspectives, qui a sa thèse dans l’image publicisée et publique, par conséquent la plus amplement répandue, qui ici accueille les visiteurs; et son antithèse dans le dénouement des «lieux autres», cachés dans un parcours sinueux et ombreux, qui ferait allusion aux aspects les moins connus de cette société glamoureuse et perpétuellement souriante dans les affiches promotionnelles.

Pour connaître la synthèse il suffit de monter à l’étage, là où les travaux d’Abdullah al-Saadi, Mohammed Ahmed Ibrahim, Mohammed Kazem et Hassan Sharif trouvent place. Une sélection qui représente la preuve silencieuse et puissante de la cohérence, existentielle et créative, qui a marqué la vie de ces artistes, comme tous, produit de circonstances opposées aux résultats variables et imprévisibles. Une synthèse qui ne résume pas simplement les fondements sociologiques qui l’ont déterminé, mais qui s’approprie de ces mêmes fondements, pour les tordre, les manipuler, les mélanger, les avaler et les rendre transformées, à nouveau humanisées.

Dans le jeu de miroirs qui a été créé, avec la transposition littérale d’une des chambres de The Flying House bourrée des «objets» de Hassan Sharif, on frôle la métaphore de l’identité et de la reconnaissance de soi dans son double. Pourvu que l’on connaisse l’original, bien évidemment.



ADACH Platform for Visual Arts in Venice
Spazio Thetis,  Arsenale Novissimo 
Capannone 108
Accès: de l’Arsenal par Vaporetto, descendre à la station Bacini (lignes 41, 42, 51, 52)
Du 7 Juin au15 Octobre 2009, 10h00 – 18h00 
fermé les mardis

UAE National Pavillon 
It’s not you. It’s me
Artiglierie, Arsenale
Du 7 Juin au 22 Novembre 2009, 10h00 – 18h00 
fermé les lundis



 

Cristiana de Marchi

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